Saison 2018-2019

ÉDITO

Les équipes artistiques soutenues par l’institut français sont de plus en plus engagées dans une politique de création et de diffusion des spectacles au plus proche des populations dans l’espace urbain. Le festival de théâtre dans les concessions Théâtre de maison vient de tirer le rideau et nous profitons de ce dernier événement de la saison dans l’espace public pour dresser un bilan de la saison 2018-2019.

De novembre à mars, la saison sèche (mais pas trop chaude) voit fleurir partout dans la ville ces scènes éphémères ou pérenne (La passerelle directement ouverte sur la rue) qui réinventent des formes artistiques tout en se souciant de leur rapport à des publics tout à fait éloignés des art de la scène. Au delà de larges programmes de diffusion, elles ouvrent aussi un espace de réflexion, un laboratoire de création qui réinterroge la nature des liens entre les œuvres et les publics, la continuité ou la rupture avec la tradition, la place des artistes dans l’organisation sociale. Elle renforce le rôle des artistes en qualité d’acteurs de la société civile. Surtout aussi, elles invitent à un débat avec les pouvoirs publics, les élus, les enseignants et les leaders d’opinion pour repenser l’accès à la culture plutôt qu’en dénoncer seulement les dysfonctionnements. Elles constituent un territoire de conciliation où repenser les dialogues interculturels devient efficient. La saison très chaude s’installe. Il est temps de revenir à l’institut français. Ces programmes déboucheront sur la signature de conventions avec les trois maires des quartiers environnant l’institut français pour faciliter l’accès des populations à la fois à la médiathèque, au cinéma, aux débats d’idées et bien sûr aux spectacles.

Théâtre de maison (du 23 février au 9 mars).

Initié par la compagnie Anw Jigi Art dirigée par la metteure en scène Assitan Tangara, Théâtre de maison achève son itinérance cette semaine. Une création, Filles de la honte, a circulé dans six concessions des six communes de Bamako. Avant son itinérance en langue Bambara, la pièce a été créée à l’institut français le 22 février dernier en français. Salle comble (300 personnes). La pièce met en scène les violences faites aux femmes, « les bonnes », jeunes filles de la brousse placées par leur famille et soumises à un esclavage moderne doublé d’abus sexuels. Un drame du quotidien qui touche la plupart des familles, soit comme victimes ou bien bourreaux. La création comme les diffusions dans les 6 communes étaient suivies de débats et, à l’institut français, d’une rencontre avec les associations et Ong luttant contre ces violences domestiques : Une hypocrisie criminelle ; un silence des yeux pour sauvegarder les apparences. Les leaders d’opinion de la société civile des six communes de Bamako étaient conviés. Au total, c’est entre 400 et 450 personnes (2 500 personnes + 1000 dans le cadre du festival Rendez-vous chez nous à Bamako) qui ont été touchées chaque fois et invitées à rompre cette omerta. Une rupture du silence qui n’a pas été sans débat sauf une des communes qui venaient de vivre un drame identique et où la parole n’a pu être délivrée mais où les femmes silencieuses se sont senties entendues.
2ème édition en 2019

Rendez-vous chez nous à Bamako (du 28 au 2 mars).

Emprunté au modèle de Ouagadougou, du même nom, Rendez-vous chez nous est un festival des arts de la rue qui s’est déroulé à l’institut français le 1er mars, la veille et le weekend suivant à Magnambougou, sur une place aménagée à cet effet. 8 spectacles différents sur 4 jours, 26 représentations, 7000 spectateurs, Rendez-vous chez nous à Bamako confirme son succès d’installer dans l’espace public une programmation Art de la rue autour des arts du cirque, acrobates, danses acrobatiques urbaines , danse contemporaine (Lassina Koné, Mali), marionnettes (mettre les noms et pays), théâtre (Assitan Tangara, Mali).
3ème édition en 2019

Fari Foni Waati (19 et 20 janvier)

Produit par Alioune N’Diaye (directeur du Blonba) et la chorégraphe tunisienne Naomi Fall, le Fari Foni est installé dans le quartier de Bacodjicoroni. Plus de 25 danseurs et danseuses réunis sous la direction des chorégraphes Moya Michael, Taoufiq Izeddiou, Qudus Onikeku et Ladji Koné. 12 spectacles dont quatre créations qui ont réuni 30 artistes d’Afrique du sud, de Belgique, du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de France, du Liban, du Mali, du Maroc, du Nigéria, du Sénégal, de Suisse et du Togo. Programmation d’une immense qualité qui a su trouver son public au delà des habitants du quartier : 2000 personnes réunies pour un formidable moment de rencontres esthétiques et de convivialité entre communautés malienne et expatriée. Une programmation et une organisation superbes.
3ème édition en 2019 (http://www.cestcomment.org/).

Le Bam (du 4 au 9 décembre)

Dernier né des festival Bamakois, le Bam est une rencontre chorégraphique directement issue du formidable travail de Kettly Noël depuis 18 ans à Bamako. Tidjani N’Daye est un de ses anciens élèves. Il a fini ses études au conservatoire d’Angers et se fait repérer par des festivals engagés comme Les Rencontres à l’échelle de Marseille et de grosses maisons comme Le 104 à Paris. De retour à Bamako, il fait partie de cette génération d’artistes consciente que les événements de 2012 coïncident avec une rupture générationnelle entre les grands artistes maliens partis et une génération montante qui n’a pas encore trouvé sa place. 2012 a entrainé un appauvrissement de la scène artistique qui prend sa revanche avec une génération engagée dans l’espace public.


La célèbre musicienne Rokia Traoré est sa principale complice ; le Bam investit à la fois un espace très ouvert sur les populations du quartier Missabougou, conçu par Rokia Traoré : La Passerelle et la rue longeant le centre. Rokia a fait le choix de revenir au pays consciente de devoir s’engager dans un processus de transmission et de partage avec les générations montantes. La passerelle est un lieu comprenant quatre scènes dont deux couvertes. L’une sous forme de cabaret très “branché” au design choisi. L’autre est tout à fait inédite. Deux immenses portes métalliques coulissantes semblent fermer un atelier ou une usine dans une rue de Missabougou. Quand les deux portes s’ouvrent, elles révèlent la scène d’un théâtre. Les motos, les passants, les badauds s’arrêtent net à leur arrivée devant la scène. Les feux de la rampe sont allumés. le spectacle a déjà commencé, il est 20h. En 5 minutes à peine, la rue est totalement bloquée par 500 personnes qui n’avait pas imaginé aller au théâtre ce soir. Ils y restent jusqu’à la fin à 23h30. Ce lieu est absolument unique puisqu’au delà des arts dans l’espace public, c’est la scène d’un grand théâtre qui s’ouvre directement sur la rue. La boucle est bouclée.
1ère édition en 2019 (http://www.festivalbam.be ).

Les praticables (du 27 novembre au 1er décembre)

Les Praticables portent une vision au long cours de développement d’un nouveau théâtre d’art populaire, initié par Lamine Diarra, acteur et metteur en scène malien. Lui-aussi a un pied en Europe et l’autre au Mali. Un retour par intermittence qui lui permet de faire un lien constant entre les artistes les plus repérés en France et une scène malienne en pleine ébullition et réinvention. Lamine est un homme de la nouvelle génération, formé d’abord à l’Ina au Mali puis au conservatoire national supérieur d’art dramatique à Paris. Il poursuit sa carrière sur les deux continents et inventent, au delà de nouvelles formes des arts dans la rue, des modes d’organisation des compagnies sur des principes de mutualisation des moyens administratifs, de production et de formation. Il est en train de réunir un collectif d’artistes (danseur, photographe, musicien, plasticien) autour de la création d’une plate-forme collaborative : Le FIL.
Les Praticables, comme son nom l’indique, ce sont des scènes aménagées partout dans l’espace public et les maisons qui le longent. Au delà d’un formidable outil de diffusion au plus près des populations, ce sont évidemment la convivialité et l’émulation qui sont les vecteurs dynamiques de ces rencontres. Très utiles pour les programmateurs aussi, puisque cette rue donne à voir ce que les acteurs de la scène artistique contemporaine sont en train de faire avec cette année : Eva Doubia (metteure en scène française), Abdou Ouologuem (scénographe malien, complice de Peter Brook), Lamyne M (plasticien – Les grandes robes à la Basilique Saint-Denis), Jean-Christophe Lanquetin (projets Scénographies urbaines) associés à toute la génération montante des artistes maliens du théâtre évidemment mais aussi plasticiens, danseurs et artistes interdisciplinaires inclassables engagés dans l’espace urbain et résolument modernes.

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